Pourquoi le salariat Uber est-il aussi homogène?

Modernisation • Immigration • Economie • Société

Avoir quitté son pays par souci économique, arriver dans un pays qui n’est pas le vôtre, où l’ascension sociale semble possible c'est être dans la peau d'un immigré motivé.

Une fois immigration faite, ces personnes doivent lutter pour s’intégrer et vivre décemment. Entre trouver un logement, acquérir les papiers  permettant de rester sur le territoire, apprendre une langue qui parfois est toute nouvelle… Voilà les problèmes que doivent rapidement résoudre les nouveaux arrivants.

Afin d’enlever le plus lourd des poids pesant sur les épaules il faut trouver un moyen de gagner sa vie. Dans le cas des immigrés ou personnes en besoin d’argent, une solution simplifiée se présente : UberEats, Deliveroo, les deux sociétés détenant le monopole dans la livraison de plats à domicile.

Selon les Échos (1), 40% des travailleurs Uber sont nés à l’étranger, Le Monde (2) ajoute que la moitié de de ce salariat est issu des quartiers populaires. Pourquoi ce travail que l’on qualifie de micro-travail est principalement investi par des profils d’individu caractérisés par la pauvreté, souvent par l'origine étrangère, et aussi par la marginalisation?


Les avantages du poste de livreur ?

  • Un emploi du temps de travail arbitraire établit par le travailleur UberEat, qui peut allier son travail à d’autres petits-boulots ou à des études.


  • Une rémunération proportionnelle à la volonté et aux efforts de l’employé, sans restriction. Ce n’est qu’à partir de 5000€ de chiffre d’affaire qu’une attestation de vigilance sera demandée afin de contrôler activité.


  • La possibilité d'exercer dans n'importe quelle grand ville. Découvrir d’autres espaces urbains grâce au transfert de poste, Uber et Deliveroo étant deux firmes multinationales. La ville est un avantage non-négligeable, un atout économico-géographique pour un individu désirant de générer des capitaux (sociaux, économiques).


  • La simplicité d’inscription pour commence à travailler rapidement


Le système de rémunération?

C’est en fonction du nombre de courses et de la distance parcourue que le livreur espérera toucher plus d’argent sur ses missions. En France en 2023, le site des Coursiers Français (3) indique que le livreur Uber gagne 2.63€ par course, à ceci s’ajoute environ un euros par kilomètre. Si le livreur effectue à temps plein son travail et qu’il accomplit trois courses par heure, il gagnera plus de 1800€ net. Cela dit, ce chiffre est une estimation illusoire car de nombreux autres facteurs entrent en jeu, bouleversant cet objectif de rentrées de bénéfices du travail. En effet, dans les grandes villes, la concentration de restaurants bien côtés entraîne celle des livreurs. Ces derniers s’attroupent, attendant leurs alertes de mission de livraison. À ces endroits, l’effectif de livreurs présents est excédentaire vis-à-vis du nombre de missions envoyées. Autrement dit : il n’y en aura pas pour tout le monde. De plus, la météo, le traffic routier, la fatigue sont des éléments pouvant influencer sur la régularité des horaires de travail. Tous ces éléments empêchent au livreur de bénéficier d’une rémunération stable d’un mois à l’autre.


Le micro-travail  

Pour travailler pour ces sociétés, le schéma le plus classique est de se constituer en micro-entrepreneur, ce qui signifie de devenir indépendant. Cela implique d’indiquer son chiffre d’affaire à chaque déclaration de revenu.

Le statut d’auto-entrepreneur est généralement perçut comme un statut précaire. L’INSEE (4) a annoncé que sur 3 auto-entreprises une seule survivait plus de trois ans. Et seul 1/10 des micro-entrepreneurs arrivait à se dégager un salaire permettant de vivre convenablement. En majorité les salaires de micro-entrepreneurs effleurent les 600€ au mois. Un point primordial est que ce statut empêche au livreur de bénéficier de l’assurance chômage : c’est à dire qu’en travaillant sous couvert de cette etiquette : il n’est pas assuré de sortir de bons revenus ni de toucher le chômage après 6 mois d’activité (conformément à ce que prévoit la législation française pour les employés sous contrat).


L’Ubérisation du monde de la restauration

L’Ubérisation n’implique pas uniquement l’ancrage d’un fonctionnement moderne et organisé de la livraison de nourriture d’un restaurant vers le domicile du client. La pénétration de ce système dans nos sociétés occidentales est plus profonde. D’abord, le service est novateur : une livraison du repas qui est devenu plus rapide et fortement personnalisable. Une nouvelle possibilité qui a permit à certains restaurants d’étendre leur gamme de produits, de créer des packagings adéquates, de réviser des recettes pour rendre le tout plus résistant au transport, d’innover de nouvelles méthodes de cuisson. 

L’Ubérisation a également annoncé l’avènement de nouvelles structures : les dark-kitchens. Ces restaurants non ouverts au public, offrant uniquement la possibilité de  la livraison sont souvent dans les arrières-cuisines de restaurants classiques (ces derniers permettant la consommation sur place). Il arrive même que des dark-kitchens ne soient pas même rattachées à un restaurant sur place : certaines dark-kitchens s’associent ensemble pour créer leur complexe de production alimentaire uniquement disponible à la livraison; et ainsi réduire leur dépense dans le loyer. Cette facilitation de l’accès la nourriture de restaurant a initialement été marquée par le succès des fast-foods et de leur drives. Aujourd’hui c’est la livraison qui est devenue la voie royale pour consommer des mets de restaurants tout en restant chez soi. 

La période de confinement renforçant le phénomène : la tendance est aujourd'hui devenu celle de l'Homo-domicilius. Que ce soit par souci d’économie ou question de confort. Le travail dans sa forme traditionnelle a laissé place à la prépondérance du télé-travail; le cinéma en salles obscures a laissé la chance aux plateformes telles que Netflix de capter notre temps libre. Les services de restauration ont su aussi profiter de l’occasion pour s’adapter à cette ère : si l’épicurien ne vient pas à eux, les restaurants feront le premier pas.

La sédentarisation ne s’en renforce que de plus belle. Au moment du grand boom de ces sociétés de livraison, l’avantage écologique était palpable : les livreurs étaient en majorité à vélo pour effectuer leur livraison. Aujourd’hui à cause de la course à la livraison, à l’augmentation des missions et du nombre de livreurs, les petites fourmis des société de livraison ne peuvent plus se permettent de perde de temps : un transport à moteur n’est plus un choix mais une nécessité. Cela contribue encore à la pollution des villes.



Sources :


  1. https://start.lesechos.fr/societe/economie/6-chiffres-pour-mieux-connaitre-les-livreurs-uber-eats-et-leurs-conditions-de-travail-1358577
  2. https://www.lemonde.fr/emploi/article/2017/01/16/uber-cree-une-nouvelle-population-de-travailleurs-a-la-fois-pauvres-et-mal-couverts_5063467_1698637.html
  3. https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjs_8zl1YmAAxWdVaQEHR9zCQ8QFnoECA4QAQ&url=https://lescoursiersfrancais.fr/faq-livreur/combien-gagne-un-livreur-uber-eats/&usg=AOvVaw3WmCc1aCXCUSft4L7v1OdE&opi=89978449
  4. https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwjs_8zl1YmAAxWdVaQEHR9zCQ8QFnoECA4QAQ&url=https://lescoursiersfrancais.fr/faq-livreur/combien-gagne-un-livreur-uber-eats/&usg=AOvVaw3WmCc1aCXCUSft4L7v1OdE&opi=89978449



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