Introduction
Le retour de Donald Trump a affecté les relations qu’entretenaient jusqu’alors les États-Unis avec le reste du monde. Ce second mandat est marqué par des promesses de taxation tarifaire sur les marchandises étrangères arrivant sur le sol états-unien, ce qui a eu le don de refroidir tous les élans vers la stabilisation des relations internationales. La Chine, pilier du commerce à l’échelle mondiale, est affectée par ces mesures et compte bien y réagir. Comment cet ordre mondial post-COVID-19 profite à la Chine, un pays qui convoite le statut de superpuissance.
En s’intéressant à cette question, nous analyserons la place hégémonique qu’occupe la Chine aujourd’hui sur la scène internationale (1). Nous évoquerons ainsi en quoi la Chine est une puissance influente à l’échelle mondiale (a) et comment elle entend bien conserver sa place de leader (b). Nous nous demanderons ensuite si nous assistons au retour du monde bipolaire à l’ère post-COVID-19 (2). Pour y répondre, nous aborderons le rôle des États-Unis dans le sursaut mondial (a) et verrons comment la Chine s’affirme en tant qu’acteur médiateur défenseur du multilatéralisme (2) dans ces nouveaux clivages régissant la scène internationale (3).
La Chine, nouvelle superpuissance
a) Une influence mondiale
La politique étrangère chinoise illustre la notion d’élan hégémonique. Selon la pensée d’Antonio Gramsci, l’hégémonie transparaît lorsqu’un État parvient à susciter la bienveillance des autres pays, ceci sans recours à des moyens de coercition. Une manière d’établir des relations qui permet de construire des liens diplomatiques durables. Une quête d’influence au niveau mondial, notamment perceptible au travers des nouvelles routes de la soie, une initiative chinoise lancée en 2013 basée sur l’exportation de capitaux excédentaires sur les marchés étrangers, la construction d’infrastructures afin d’étendre son influence. Un programme qui se veut apolitique, mais qui place des pays en voie de développement en situation délicate, ces derniers étant piégés par une dette nécéssaire pour la conduite de ces projets. Ce qu’on appelle la Belt and Road Initiative en anglais (BRI) se base sur des réflexions de realpolitik. En ce sens que les projets bénéficient directement aux besoins des populations, notamment en Afrique. Les chantiers ne sont pas des porteurs de discours de promotion du modèle chinois ou de demande explicite de contrepartie politique mais contribue à l’agrandissement de la sphère d’influence de la Chine qui contrôle ces nouvelles infrastructures de transport (ports) et noue de nouveaux partenariats (construction d’une base militaire à Djibouti).
b) Une place de leader que la Chine entend bien conserver
Dans la course à l’intelligence artificielle dans laquelle entrent en concurrence les pays tels que les États-Unis et la Corée du Sud, la Chine est l’un des pionniers en la matière. Son leadership notamment constaté par l’industrie depuis le déploiement de Deepseek, un modèle génératif open-source produit avec des ressources bien moins importantes que celles nécessitées par Open AI par exemple. Dans le milieu technologique, la Chine entend en effet procéder à un « découplage » radical avec les États-Unis. Ceci pour affirmer sa souveraineté dans le domaine (cf. Source 3).
Au-delà du domaine technologique, la Chine s’impose dans le domaine des énergies renouvelables en incarnant la première place en tant que pays exportateur de panneaux photovoltaïques et d’éoliennes. En somme, en dominant les échanges commerciaux internationaux, la Chine concurrence les Etats européens sur leurs propres territoires. Citons par exemple l’essor des voitures électriques chinoises vendues à des prix défiant toutes concurrences européennes. Ce genre de tensions commerciales sont pourtant perceptibles des deux côtés: en Chine, pour faire face au protectionnisme français, on taxe les importations de vins sur son territoire.
Pour rester hégémonique sur ces secteur, la Chine compte sur son système éducatif. Le pays est aujourd’hui le 4ᵉ lieu de destination des étudiants étrangers, après les États-Unis, le Royaume-Uni et le Canada. Une destination d’étude séduisante notamment par les bourses qui y sont proposées. La Chine investit beaucoup. Environ 40 % de son économie est consacré à l’investissement, ce qui représente le double comparé aux États-Unis. Une donnée à mettre en parallèle avec la consommation de sa population, qui y est de 40 %. Là où, dans des pays développés, elle atteint parfois 70 % (cf. Source 4). Des efforts qui pourraient bien participer à réaliser l’objectif de 5 % de croissance pour l’année 2025, comme annoncé par le Premier ministre chinois, Li Qiang (cf. Source 5).
2.Le monde post-COVID-19 marque-t-il le retour de la bipolarité ?
a) Un monde frappé de clivages au lendemain de l’élection de Donald Trump
Le pivot vers l’Asie est une stratégie de concurrence initiée par Obama en 2011 qui vise à limiter l’influence de la Chine dans le monde. La politique est d’ailleurs toujours d’actualité dans le cadre du deuxième mandat de Donald Trump, à la différence que cette fois-ci, il n’est plus seulement question de taxer les importations chinoises, mais également celles d’autres pays, alliés, tels que le Canada et l’Europe. Un revirement qui a pour effet d’affecter les relations diplomatiques entre les États-Unis et ces pays.
Les relations commerciales ne sont pas les seules dont le lien se fragilisent, puisque les Etats-Unis remettent en question leur soutien aux opérations de sécurisation, notamment en Ukraine. Les pays occidentaux, surtout en Europe, doivent repenser leur politique étrangère et leurs investissements afin d’être en capacité de s’imposer face aux grands pôles de puissances tels que la Chine et la Russie. Comme la Pologne, on l’on envisage la poursuite de programme nucléaire afin d’assurer sa propre sécurité, celle-ci étant aujourd’hui susceptible de ne plus être garantie par les traités de non-prolifération initiés par les États-Unis.
Contrairement aux espoirs américains des années 1990, la Chine communiste n’a pas vu son modèle se démocratiser, même après s’être ouvert à la mondialisation (cf. Source 3). De ce fait, les relations entre les deux grands pays ne se sont pas normalisées depuis, la Chine étant toujours perçue comme l’ennemi pour les États-Unis. Cette perception s’illustre notamment par la présence de quelques 400 bases militaires nord-américaines disposées en Asie-Pacifique. Face aux nouvelles menaces tarifaires exprimées par Donald Trump (telles que les 20 % de taxes sur les importations chinoises imposées par l’American First Investment Policy), la Chine promet une réponse ferme (cf. Source 2).
b) La Chine définit l’image qu’elle veut renvoyer au monde, celle d’un Etat médiateur défenseur du multilatéralisme.
Dans un monde qui autrefois était dominé par les États-Unis, la Chine se présente en tant que voie alternative, garante de la paix. C’est ainsi que le pays s’établit en médiateur qui ne soutient officiellement ni l’Europe ni la Russie dans la guerre en Ukraine. Fournir des armes aux troupes russes risquerait d’attiser les sanctions économiques des puissances occidentales, ce qui n’est pas souhaitable pour les affaires chinoises. Sur ce point, seuls des regrets concernant les retombées sur les échanges commerciaux (notamment les céréales, le gaz et les fertilisants) ont été exprimés par Xi Jinping : « La Chine n’est pas à l’origine de cette crise, et elle n’y est pas non plus partie ou participante » (cf. Source 4).
Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères, a affirmé que la Chine vise à être un pilier de stabilité et un acteur clé du multilatéralisme (cf. Source 2). Pour se faire, la Chine s’affirme dans son rôle de leader au sein des BRICS+, une organisation internationale regroupant des pays en voie de développement. Un cadre qui permet à la Chine de nouer des relations avec les pays africains, États qui accueillent actuellement mille projets de construction.
C’est à travers ce multilatéralisme et son ouverture à la mondialisation que la Chine est devenue une vraie puissance (cf. Source 4). Si l’État veut s’en faire le promoteur, il n’en reste pas moins pris par de multiples conflits : la crise de Wuhan et sa propagande, Hon-Kong, Taiwan et les exercices militaires et incidents diplomatiques, la question de la revendication de territoires en mers méridionales qui ont poussé la Chine à investir dans la construction de sous-marins et de porte-avions. Tant de tensions qui délégitiment ses messages de paix comme la Chine peut le faire pour la guerre entre Palestine et Israël en appelant à une solution à deux États.
c) Siècle chinois, siècle des clivages
Si la crise du virus de la COVID-19 a suscité des sursauts, notamment pour les pays européens concernant les modes d’approvisionnement, elle n’a toutefois pas empêché d’autres pays de se montrer toujours plus ouverts à des partenariats de dépendance avec la Chine. C’est ainsi que le marché scanné international se clive progressivement en faveur d’une partie du monde soutenue par les investissements chinois (BRI). Il se pourrait bien qu’en poursuivant l’envoi de signaux d’hostilité à la Chine, les États-Unis suscitent, par la même occasion, des tensions en Asie de l’Est (cf. Source 1) en posant notamment la question du maintien du soutien états-unien à l’île de Taiwan.
Sources
https://www.youtube.com/watch?v=RoTNesnBrEY